\"Nous n\'avons pas fixé de date.
Nous avons dit que c\'est une date INDICATIVE.\"
Pr Alpha CONDE, Interview Juil. 2018 de France 24
sur les élections législatives au Togo
A
M. Muhammadu BUHARI,
M. Nana AKUFO-ADDO,
Pr. Alpha CONDE,
OBJET :
Législatives du 20 décembre 2018 au Togo : un drame en cours.
La CEDEAO doit prendre ses responsabilités
Excellence Monsieur le Président,
Les élections sont un moyen démocratique d’accéder au pouvoir. Mais lorsque leur organisation porte les germes d’un drame au sein d’une communauté qui a pour valeur la défense de l’humain, elle a le devoir d’agir promptement pour éviter le pire.
En 2005, les élections présidentielles au Togo ont été source du massacre de plus de 500 togolais d’après l’ONU et les organisations des droits de l’Homme. Malgré les alertes sur l’issue incertaine et répressive de ces élections, la CEDEAO les avait non seulement maintenues, mais les avait jugées transparentes et crédibles, légalisant ainsi les coups de forces militaire et constitutionnel qui avaient précédées ces élections calamiteuses.
A l’exception des législatives de 2007 pour lesquelles une mission d’observation de longue durée de l’Union Européenne avait limité la fraude, les présidentielles de 2010 et 2015 ainsi que les législatives de 2013 n’ont pas dérogé à une règle pudiquement appelée au Togo : élection-contestation-répression-dialogue. Et pour cause, elles sont organisées d’une façon non inclusive par les autorités togolaises dans un esprit de conservation éternelle du pouvoir.
Alors que le soulèvement populaire du 19 août 2017 était en passe d’emporter le pouvoir togolais, celui-ci a sollicité l’intervention de la CEDEAO pour un règlement pacifique de la crise. L’implication de la CEDEAO a permis de proposer le 31 juillet 2018 aux protagonistes de la crise que sont le parti au pouvoir UNIR et le gouvernement d’une part et d’autre part la C14, la coalition de 14 partis politiques de l’opposition, une feuille de route. Les points saillants de celle-ci concernaient les mesures d’apaisement (libération des personnes arrêtées lors des manifestations pacifiques de l’opposition), les réformes constitutionnelles et institutionnelles et l’organisation consensuelle des élections législatives à l’échéance indicative du 20 décembre 2018.
Mais force est de constater que la feuille de route a été méthodiquement violée dans son exécution par le parti au pouvoir qui :
- a refusé d’appliquer les mesures d’apaisement ;
- n’a pas respecté l’échéance du 30 novembre pour la finalisation des réformes constitutionnelles et institutionnelles préalables aux élections ;
- a fait du fétichisme la date indicative du 20 décembre 2018 pour les législatives ;
- a réalisé unilatéralement un recensement des électeurs aboutissant à un fichier corrompu qui comptabilise des mineurs et des enregistrements multiples ;
- a fait des obstructions à la mise en place paritaire de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) ;
- a refusé à la C14 d’intégrer les commissions listes et cartes et les commissions électorales locales indépendantes (CELI).
Dans ces conditions, la C14 a décidé de ne pas participer aux élections législatives dont elle a été tenue à l’écart des préparatifs. Elle s’en est remise à la CEDEAO, à ses facilitateurs et au comité de suivi de la feuille de route qui restent pour le moment muets.
Alors que le pouvoir togolais vient de lancer la campagne électorale le 04 décembre, le mutisme de la CEDEAO face aux demandes de la C14 donne l’impression d’une caution apportée au drame en préparation. Depuis l’ouverture de la campagne, les manifestations de la C14 font l’objet de répression systématique de la part des forces de défense dont le premier responsable est le chef de l’état M. Faure Gnassingbé. On compte depuis le 08 décembre au moins 6 morts et des dizaines de blessés qui seraient imputés aux forces de défense, en action dans ces vidéos non commentées https://youtube.com/watch?v=d7SzXmUKpJE et https://www.youtube.com/watch?v=JX-rJVdfk4o dans une banlieue de la capitale, Lomé.
(Voir le témoignage des parents des deux premières victimes ici : https://www.youtube.com/watch?v=xx4IKKVU-Q8)
Il n’y a de meilleurs conseillers dans la vie que les personnes qui vivent une situation. Actuellement la situation au Togo est très tendue et les signaux ne sont guère rassurants. Tout, porte à croire que l’avant et l’après 20 décembre 2018 ressembleraient aux évènements de 2005 qu’il faut à tout prix éviter.
Afin de se prémunir du drame qui se prépare sous nos yeux, nous demandons humblement aux chefs d’état de la CEDEAO :
-
de tenir une réunion extraordinaire sur le Togo avant la date INDICATIVE du 20 décembre 2018 ;
-
d’exiger le report de ces élections législatives ;
-
de réitérer le caractère inclusif de ces élections et de donner la chance au peuple togolais aussi de connaître des élections libres, transparentes, consensuelles et surtout apaisées.
La CEDEAO doit prendre ses responsabilités.
Elle ne pourra pas dire qu’elle ne savait pas.
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